Conférence: Le féminin dans le taoisme

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     Extraits d’une conférence faite à un forum de Terre du ciel sur le féminin

      Le féminin dans le taoïsme

 
 

Différence entre la pensée chinoise et la pensée occidentale

La pensée chinoise est évocatrice agissante mais non séparante, elle privilégie toujours la relation aux objets mis en relation.

La pensée occidentale est plus objective cherche à définir d’abord les objets du monde avec un maximum de précision. Pour ce faire elle sépare les plans quitte à rechercher ensuite par des voies logiques une relation entre ces différents plans.

La pensée chinoise fonctionne donc par analogie, résonance symbolique. On parlerait aujourd’hui de cerveau gauche et de cerveau droit, ce qui est déjà une manière objective occidentale voire masculine de considérer la question.

Ainsi on peut d’ores et déjà considérer la manière de penser à la chinoise comme plus féminine plus globale moins rationnelle dans le sens de la raison raisonnante si chère à la pensée occidentale.

La pensée occidentale manie le concept, la définition qui se doit d’être précise et de ne pas dépendre du point de vue de celui qui l’énonce .

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On peut voir dans cette opposition entre pensée chinoise et pensée occidentale quelque chose du rapport entre une pensée poétique et une pensée scientifique. Le cerveau masculin, occidental, se targue de son efficacité qui est indéniable mais il est aujourd’hui bien reconnu que le problème essentiel de ce mode de pensée est sa croyance dans le fait d’être seul détenteur de la logique. Le problème d’une sensibilité masculine est bien souvent son arrogance et la difficulté d’entendre qu’il y aurait d’autres manières de résoudre les questions de la vie. La pensée chinoise dans son ensemble est une des manifestations que l’on peut bâtir une vraie civilisation une réelle efficacité dans les divers arts de la vie en procédant d’une manière radicalement différente de celle que nous appréhendons habituellement.

 

 Emblème du tai ji

yin yang rn
 
 
 
 

Le noir, le fond, le mystère de l’origine, ce qui apparaît dans le repos, la relaxation le lâcher prise, le mystère premier nommé par les taoïste xuan mu ; l’aïeule première le plan le plus archaïque est donc marqué par le féminin tout comme le démiurge créateur de la bible est exprimé par un féminin pluriel ?

Cette référence à l’obscurité primordiale, au mystère premier n’est pas vraiment du domaine du féminin puisqu’il est en lui même antérieur à toute différenciation il me fait parfois penser au symbolisme de la papesse du jeu de tarot de Marseille qui est plus en relation avec la mémoire ancestrale, la pensée archaïque, qu’avec le féminin par rapport au masculin, cet aspect-là n’interviendra dans le tarot de Marseille qu’avec l’impératrice.

A partir d’un lieu fondateur et mystérieux qu’on appelle le nord va se déployer le têtard rouge qui culminera au pôle opposé : le sud. Ce lieu originel appelé Nord est le lieu même du mystère ce qui fera dire que le véritable orient des mystiques est le nord.

A partir de cette conception mystérieuse liée à la difficulté à nommer l’exact commencement de toute histoire, le yang va se déployer, passer la ligne d’horizon à l’est et ainsi devenir visible et manifeste gagner en force et en puissance entre l’est et le Sud culminer et commencer son déclin qui deviendra visible et manifeste à l’ouest. Ce qui monte et descend ainsi, c’est la puissance du yang de l’énergie qui découpera les formes dans la substance fondamentale du monde, qui sculptera ainsi la materia prima pour faire apparaitre toutes les formes du monde. « Ainsi toutes les choses sont nées de l’un par adaptation  »  dira  la table d’émeraude.

Regarder les énergies qui montent et qui descendent et qui font ainsi apparaitre les différentes saisons de la vie et les différentes formes du monde c’est se placer du point de vue du manifesté.

Contempler en toute chose son origine et son retour c’est le point de vue de l’école du mystère, c’est à travers toutes les manifestations montée ou descente, croissance ou destruction, contempler leur mère  C’est le projet que se proposent les observants de la voie, ceux qui en toute chose contemplent le retour, ceux qui écoutent aussi du point de vue du fond archaïque.

Dès lors la praxis des taoïstes va être de favoriser le yin de ne jamais se laisser trop embarquer dans les affaires du monde, y participer parce qu’on ne peut s’y refuser et que ne pas agir est souvent une action terriblement impliquante, mais en même temps écouter le silence du retour.

Tout peut devenir objet de frénésie et de perte de soi-même.

Écouter les mouvements secrets de la vie plutôt que les discours de l’idéologue c’est déjà aborder la voie du féminin..

Le danger du yang, c’est sa tendance à monter par lui-même à s’enflammer à se couper de son origine. C’est pourquoi la tradition taoïste encourage autant l’attitude yin. Connais le masculin, mais adhère au féminin, ou bien soit le coq mais fais la poule.Ne perd pas ton enracinement.

Dans une perspective féminine de la connaissance on ne peut oublier le corps et la forme
Le mystère n’est plus l’extraction de l’esprit de cette gangue que représente le corps, mais l’écoute des mouvements profonds et mystérieux de la forme elle-même à commencer bien entendu par le corps.
 

Corps masculin, corps féminin

Le corps occidental, corps de l’exploit, de l’extérieur, le corps du danseur, de l’athlète le corps de la beauté canonique.

Le corps vu par les chinois corps de rythme corps féminin. Le corps du point de vue féminin n’est pas un corps dans l’absolu, mais rythmé par le temps.

Les initiations taoïstes accordent une grande part à la qualité de l’instant, notamment par la division de l’année en 24 périodes qui sont également à la base d’un certain nombre d’exercices .Ce rapport à la qualité de l’instant est également fondamental en médecine, on soigne la personne en fonction du moment considérant qu’il y a une continuité entre le problème dont elle souffre et le monde qui l’entoure.

Les production de ces visions du corps : médecine chinoise, médecine occidentale.

La médecine occidentale a progressé grâce à sa connaissance de l’anatomie. La dissection des cadavres a permis un repérage très précis des éléments du corps et une action très précise et ciblée sur eux .Elle est ainsi parvenue à ce niveau de connaissance et de spécialisation que nous connaissons.

La médecine chinoise privilégie la physiologie à l’anatomie, elle n’a jamais utilisé la dissection de cadavres pour approfondir ses connaissances et est ainsi parvenue à une tout autre description du corps. Corps de mouvement dont les éléments sont inséparables les uns des autres qui exclut ainsi toute possibilité de séparation entre les différents aspects de l’être .Il ne peut y avoir de spécialiste du psychisme ou du somatique ni de tel ou tel appareil.

Il peut y avoir des différence d’outil privilégié (plantes, aiguilles, massage, qi gong, diététique etc. ),mais tous les praticiens connaissent la logique de tous les outils. Il peut y avoir des niveaux de largeur de vision (petit ouvrier ou grand ouvrier).

La différence réside dans la capacité à ressentir globalement, dans la connaissance des cycles de l’univers etc.

 

Travail corporel à la chinoise et à l’occidentale

 

La vision occidentale/masculine du monde génère une vision efficace du corps et du « travail » sur le corps. Entrainement, précision du geste, travail effectué en face de miroir pour rectifier la posture.
Se plier à une forme pour trouver une liberté. Ce va et vient entre forme et liberté est un fondement de la tradition alchimique, créer des formes puis les dissoudre est le moteur même du grand œuvre. Disons que le monde masculin met plus l’insistance sur l’aspect formel, et l’aspect oriental, féminin sur l’aspect exploration quasi chamanique, voyage entre les univers etc.
Dans cette perspective les pratiques des taoïstes sont plus apparentées à des danses extatiques, à des danses de relation avec le monde et l’instant présent qu’à des pratiques gymniques fussent-elles subtiles.

Ce monde taoïste libertaire et féminin a été au moins en apparence vaincu par le confucianisme, plus formel et masculin.

Les pratiques utilisée par les taoïstes au cours des siècles ont porté différents noms et parfois, pas de nom du tout : yang sheng, nourrir la vie, yang jing, nourrir le principe vital etc..;

Un phénomène curieux apparaît de nos jours: ces pratiques ressurgissent sous le nom de qi gong (ce vocable est extrêmement récent) Mais elles sont devenues teintées de cette logique masculine, des pratiques codifiées précises extérieures nécessitant un entrainement, une pratique assidue et une imitation de celui qui vous les a enseignées.

Encore une fois la balance entre rigueur et ouverture est au cœur de la démarche intérieure mais le curseur est parti sous la domination du confucianisme dans la direction de la forme et du pouvoir. Un peu c’est rassurant, beaucoup c’est paralysant.

 Ces pratiques sont fondamentalement joyeuses libertaires et féminines.

 

Hommes et femmes

 

Il ne s’agit pas d’une description historique

En occident confiscation du pouvoir par les hommes

En Chine matriarcat antique, pouvoir villageois, puis prise du pouvoir confucéenne.

Les sociétés initiatiques chinoises comprennent des femmes et des hommes, les initiations se font en couple

Les femmes peuvent parvenir jusqu’aux plus haut niveau de maîtrise. Je parle de l’ancienne tradition taoïste, le confucianisme, puis le bouddhisme vont modifier le paysage.

Dans la tradition alchimique et taoïste, la femme est au centre de la pratique et la sexualité y joue un rôle extrêmement important.

Une parole n’a réellement d’intérêt que si elle est transformatrice. Transformatrice elle ne l’est que par la relation entre ce qu’elle dit et ce qu’elle tait.
La seule parole vraiment parole est la parole poétique, union du masculin et du féminin, de l’affirmation et du mystère. Une parole masculine serait plus claire, plus définitoire, plus informative; une parole féminine serait plus ouverte aux rêves, à la suggestion, à l’image.
J’essaye à travers ma parole de marier ces deux aspects.

  1. Michèle TOUSSAINT

    « La mystérieuse aïeule primitive, la pensée archaïque » qui se meut dans l’obscurité de l’indifférencié est évoquée en hébreu par la divinité Eloha qui bizarrement se masculinise en différenciant ses aspects: elle prend alors la marque du masculin pluriel, devient Elohim et non Elohoth – oth étant la marque du féminin pluriel. Ça fait penser aux labres, ces poissons qui deviennent mâles après 10 ans de vie reproductrice de l’espèce en tant que femelles. Se pourrait-il que la balance entre rigueur et ouverture se rétablisse par la sensibilisation aux rythmes physiologiques du corps et l’étude quasi anatomique des structures la conscience perceptive liées au langage selon la vision pythagoricienne: « Les 9 chiffres sont le fondement du langage. Les chiffres donnent le sens que les mots habillent de signification »???